Pages

samedi 26 juillet 2014

Acquisitions des compétences : billet de (mauvaise) humeur


Dans le monde, il y a des gens intelligents. 
Et puis, il y a moi.
S'il m'arrive parfois d'avoir des éclairs de lucidité, je suis aussi capable de devenir une insupportable pécore, hautaine, prétentieuse et condescendante. Foncièrement stupide. Si, si.
Tout simplement parce que je n'arrive plus à supporter que la majorité de mes collègues ne maitrisent pas les bases du métier.

Quand je parle de bases, je parle de bases.
Faire une recherche documentaire en connaissant l'usage et l'utilité des troncatures, des opérateurs booléens, des vedettes matière, les filtres. En sachant ce qu'est le bruit et le silence, comment on y arrive et vers quoi il vaut mieux tendre en fonction de la recherche que l'on fait.
Savoir expliquer aux usagers comment utiliser un catalogue informatisé, un portail, ce qu'ils peuvent y faire.
Couvrir un livre. Oui, j'ai une collègue qui est incapable de faire cela après plusieurs années de travail en bib. Pas faute d'avoir essayé de lui apprendre.
Je ne parle pas de veille ou de politique documentaire, de programmation culturelle et de partenariats, hein. Juste la base.

Bref, ces gens qui ne savent rien, je commence toujours par les encourager, les aider, les former, les supporter (dans tous les sens du terme), mais à la fin, je n'en peux plus. 
Parce qu'on n'arrive pas à avancer. Le moindre chantier qui, dans une équipe de bibliothécaires de métier, prendrait une semaine, peut se transformer en usine à gaz de plusieurs mois, tout simplement parce que la moitié de l'équipe ne sait pas de quoi on parle, et encore moins pourquoi on le fait.
Je deviens une espèce de monstre de glaciale indifférence qui, de l'avis général - même le mien - se croit tout droit sorti de la cuisse de Jupiter. Incapable de s'adapter aux champs d'intérêts et aux compétences propres de mes collègues. Cela parce que nous ne parlons tout simplement pas le même langage.

Je dois m'adapter ? Oui, bien sûr. Mais pourquoi serait-ce toujours et systématiquement à moi de faire le chemin ? Suis-je donc dans mon tort de considérer comme normal que les bibliothécaires doivent savoir faire un travail de bibliothécaire ?

Je ne parle pas des autres corps de métier intégrés volontairement dans les bib, dont les missions ne sont pas les mêmes. 
Je parle de ceux, évoqués dans cet article, qui sont parachutés en bib sans savoir ce qui les y attend, en lieu et place de professionnels.

En tenant ce discours, j'ai l'impression d'incarner une mouvance traditionaliste, régressive et réactionnaire de notre métier. Le FN des bibliothèques, quoi. 
Cela me rend malade. Parce que je ne suis pas FhaiNeuse. 
Je sais, d'expérience, tout le bien que peut apporter un collègue issu d'un autre métier.
Mais trop, c'est trop.

Si sur ma fiche de poste, comme sur celles de mes confrères et consoeurs expérimentés, il était indiqué que nous passons 20% de notre temps de travail à former nos collègues débutants, je me porterai mieux, mes collègues se porteraient mieux, les services que l'on rend au public se porteraient mieux. Tout le monde serait content.
Sauf que, quelle bibliothèque aujourd'hui peut s'offrir le luxe de payer un bibliothécaire à former ses collègues en continu ? Laissez-moi répondre : à peu près aucune.

Aujourd'hui, je suis découragée. Je n'ai plus envie de travailler en bibliothèque.
Je me déteste, pour les sentiments que j'éprouve envers des gens qui n'ont rien fait de mal (ils n'ont juste rien fait).
Je suis détestée, parce que je ne peux pas m'empêcher de dire ce que je pense du manque de qualifications de mes collègues. Il ne s'agit ni de les insulter personnellement, ni de les rabaisser, mais de souligner, à chaque fois, à quel point on manque de compétences et combien cela coûte au service rendu à la population.

Bref, vous l'aurez compris, ce billet est un ramassis des pleurnicheries d'une fille qui se lamente sur son sort. Passez donc votre chemin.
Ah, c'est fini ? Tant pis pour vous... ;)



Pour s'informer un peu plus intelligemment sur la question de l'acquisition des compétences en bibliothèque, je vous conseille différentes ressources venues tout droit du dernier congrès de l'ABF, dont le thème était justement « Nouveaux profils, nouvelles compétences » :
  • la présentation slideshare de Dominique Lahary sur "Le métier, les métiers, les formations pour être bibliothécaire", éclairante sur la stupidité abyssale des modalités d'accès aux métiers des bibliothèques,
  • la vidéo de la conférence intitulée Comment acquérir les compétences, avec de gros morceaux d'Anne-Gaëlle Gaudion et son extraordinaire sens pratique dedans, pour faire acquérir des compétences en jeu vidéo aux bibliothécaires qui n'y connaissent rien,
  • ainsi que la table ronde animée par Lionel Dujol (Lioneeeeeeel !*) dans « Les sujets qui fâchent », La politisation des rapports professionnels, où de nombreuses personnes ont témoigné de leurs expériences parfois ubuesques dans leurs rapports avec les politiques, et aussi aux solutions qu'ils ont pu trouver. A 1h 13mn et 20 secondes, les voyeurs (ou plutôt entendeurs), pourront d'ailleurs voir à quoi je ressemble. Vocalement.

*ceci est le cri de la Bouille dans la nuit, à la recherche d'une médiation numérique digne de ce nom en bibliothèque

lundi 14 juillet 2014

La vision bleue : une débutante au congrès de l'ABF

 


La bleue, c'est moi
J'étais une bleue. Une chaste pucelle. Une vierge (pas vraiment effarouchée).

Et, pauvre de moi, je suis allée au congrès de l'ABF. 
Pas l'Association des Brasseurs Français, non. L'Association des Bibliothécaires de France. Quoique par certains aspects, hein... (Mais j'y reviendrai) (à ces aspects) (si, j'insiste).

Donc, en cet an de grâce 2014 après le type qui n'est même pas né cette année là (c'était en - 3 ou 4 , d'après les sources), du 19 au 21 juin, le 60e congrès annuel de l'ABF s'est déroulé à Paris intra-muros, in extremis : 20 mètres plus loin, on était à Issy-les-Moulineaux.

Je suis membre de l'ABF, on m'a dit que c'était bien. Et j'avais eu grave les boules de ne pas pouvoir y mettre les pieds l'an dernier alors que le même évènement se déroulait à Lyon. Donc, j'y suis allée.


La bleue entre dans le temple  
Première impression : l'accueil. Les dames de l'accueil, dont tu découvres un peu plus tard qu'elles sont bibliothécaires comme toi, sont affables. Elles te donnent plein de brochures qui pèsent une tonne dans un tote-bag au chiffre de l'ABF (dont le catalogue de XXX, merci bien, mais je l'ai déjà au boulot...) ainsi que ce qui restera ensuite pendu à côté de ton bureau, tel un trophée, des mois (voire des années !) durant : ton badge de congressiste
Celui où ton nom et ta bibliothèque d'origine sont indiqués. Celui que ton interlocuteur regarde quand il n'a pas la moindre idée de qui tu es. 
Et parfois, cela ne l'aide pas du tout, parce qu'évidemment, sur mon badge, il n'était pas écrit : « Bouille, bibliothécaire forumeuse et atrabilaire bien connue de trois ou quatre clampins sur Agorabib » (non, je ne vous dirai pas ce qui était vraiment écrit).
Ce qui a donné des scènes tout à fait savoureuses avec quelques bibliothécaires qui essayaient de comprendre pourquoi ma conversation leur paraissait familière alors qu'ils ne m'avaient jamais vue.
Non, je ne donnerai pas de nom, parce que ce serait bas, petit, vil et mesquin. Or, je suis un digne pingouin. Mais si vous insistez, il se pourrait que je lâche un nom ou deux en commentaires...

 
La bleue travaille
Ensuite, j'ai suivi des conférences. Toutes les conférences auxquelles j'étais inscrite. Et, non, je ne suis pas partie en goguette faire des emplettes dans le marais pendant mon séjour parisien, comme me l'avait pourtant conseillé un collègue dont, pudiquement, je tairai le nom.
J'étais bien sagement assise dans le hall 5 de la Porte de Versailles, à écouter religieusement les intervenantes (il y avait bien quelques hommes, hein, mais pas beaucoup), à prendre des notes, et parfois même à poser des questions. 
Je suis un modèle de sérieux et d'application. 
Bon, en même temps je prenais quelques photos et je postais quelques commentaires sur Facebook. Mais quand même, hein, j'ai été raisonnable.
Les thématiques que j'ai suivies (l'acquisition des compétences et le travail avec les politiques) m'ont beaucoup intéressées. Je suis ou j'ai été confrontée à ces problématiques durant ma (encore courte) carrière, et j'ai reçu quelques réponses, qui, quand elles n'étaient pas applicables immédiatement, étaient au moins inspirantes.
Je me suis intéressée au travail de la commission legothèque, qui fait écho à des expériences vécues récemment dans l'établissement où je travaille, particulièrement sur l'inclusion des minorités sexuelles et la problématique du genre.
J'ai particulièrement apprécié la dernière table ronde sur la politisation des rapports professionnels, dans Les sujets qui fâchent, durant laquelle nous avons échangé nos expériences souvent invraisemblables, parfois effarantes, dans nos relations avec nos élus de tutelle. Un moment précieux de catharsis, mais aussi de réflexion sur les solutions à envisager pour éviter certaines situations.

 
La bleue observe
Bon, et puis je me suis baladée sur l'avenue dans les allées entre les conférences, lorgnant les stands de fournisseurs, tombant sur des gens connus que je ne pensais pas trouver si loin de chez eux, et faisant connaissance dans la vraie vie avec des gens que je connaissais non d’Ève et d'Adam, mais de Facebook et d'Agorabib, les nouveaux horizons sociaux du bibliothécaire. 
C'est un moment unique que de discuter aimablement avec un collègue rencontré sur le web mais jamais en vrai, et de l'entendre dire au bout d'un moment, alors qu'on évoque, entre autres, notre forum préféré : « hey, mais c'est toi, Bouille ? ». Et moi, acquiesçant, rougissante et balbutiante, un peu gênée aux entournures, tout de même... Mais aussi - soyons honnête - flattée.


J'ai également assisté à l'Assemblée Générale de l'ABF. Enfin, je suis arrivée 30mn en retard, mais vu que ça dure 2h30, hein...
J'ai trouvé intéressant de voir à quoi ressemblait le compte-rendu d'activité d'une asso aussi grande et aussi importante sur le plan national pour notre métier. 
De savoir que les subventions de l'état avaient tellement baissé que l'asso fonctionne désormais totalement à perte, en puisant dans ses réserves, et que cela ne s'améliorera que si plus de bibliothécaires y adhèrent.
De constater que les questions étaient posées dans le calme, que les débats étaient sereins, bref, que personne ne se tapait dessus en public.
De vérifier, à mon plus grand plaisir, que le bureau national de l'ABF n'a pas volé sa réputation humoristique, et que les interventions de la Ligue Majeure d'Improvisation étaient à mourir de rire. 
Une mention spéciale au faux commissaire aux comptes, évoquant la ligne 129 (?) du bilan comptable où il était question du paiement d'une troupe de Chippendales de plus de 1m90 pour l'anniversaire de la Présidente... Mais aussi à la fausse ABF, Association des Brasseurs Français, dont les deux membres ivres morts louaient les bienfaits de leur action. 
C'était vraiment très drôle.


La bleue a fêté ça...
En terminant son congrès par un demi, en terrasse, sous le soleil, avec des tas de gens sympathiques qu'elle n'avait jamais rencontré avant.
Elle espère bien recommencer une prochaine année.

Au fait, le thème de l'an prochain, à Strasbourg, sera La tension créatrice.
Accrochez-vous aux branches, ça va décoiffer !



Congrès ABF 2014